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Youtubeur radical et non-violent: l'interview de Vincent Verzat

Youtubeur radical et non-violent: l'interview de Vincent Verzat

À partir du 23/10/2019

L’éternelle casquette vissée sur son crâne coiffe un activiste luttant pour la paix, la justice et l’environnement. Parmi ses outils de prédilection, sa caméra et ses vidéos mordantes et drôles qu’il poste sur YouTube. A 28 ans, Vincent Verzat, constamment sur le terrain, est prêt à aller bien plus loin pour sauver la planète.

L’éternelle casquette vissée sur son crâne coiffe un activiste luttant pour la paix, la justice et l’environnement. Parmi ses outils de prédilection, sa caméra et ses vidéos mordantes et drôles qu’il poste sur YouTube afin de mobiliser son public, espérant notamment entraîner avec lui ceux qui ont un réel pouvoir d’agir. Mais, à 28 ans, Vincent Verzat, constamment sur le terrain, est prêt à aller bien plus loin pour sauver la planète.

Propos recueillis par Marie-Pierre Chavel

Photo de Vincent Verzat, Youtubeur de la chaîne Partager c'est Sympa

« C’est la raison qui me pousse à agir, pas l’émotion. »

 

Vous faites des vidéos pour promouvoir la société que vous souhaitez voir advenir. Quelle serait-elle ?

Une société juste et durable – aujourd’hui, elle n’est ni l’un ni l’autre. Avec un changement profond des systèmes et de la hiérarchie des pouvoirs actuellement en place. Il y a plein de chemins à explorer pour ça. Comme les low-tech*, ou comment repenser nos choix, même au niveau des municipalités, pour mettre l’accent sur ce qui est utile, durable et accessible, avec des décisions prises au regard des communs**, pour ne pas laisser une empreinte indélébile : une fois qu’on a bétonné la terre, il n’y a plus grand-chose qui peut pousser. Avec les vidéos de Partager c’est sympa, on couvre tout un ensemble de sujets qui sont en cohérence. Enjeux climatique, économique… c’est toujours la même société qu’on souhaite voir advenir à la place de ce monde qui justifie la destruction du vivant et l’utilisation de toujours plus d’énergie fossile.

La jeunesse se mobilise pour le faire bouger ce monde. Est-ce son rôle ?

On dit aux jeunes d’étudier d’abord et de s’occuper du monde après. Mais personne ne s’occupe du monde ! Alors c’est très bien qu’ils prennent ce rôle. Mais c’est tout aussi important que ceux qui s’en réjouissent réalisent que le pouvoir financier et décisionnel reste dans les mains des plus de 50 ans. Ce que j’attends, c’est un mouvement des vieux ! En réalité, ce n’est pas une question d’âge mais de pouvoir, de ce que l’on peut bouger dans la société de là où on est. Et c’est sûr qu’un chef d’entreprise a plus de pouvoir qu’un élève de 3e.

Les marches, les rassemblements servent-ils encore à quelque chose ?

Oui parce que ces mouvements vont en avançant. Il y a beaucoup de discussions, de réunions interorganisations pour essayer de travailler ensemble… On a plein d’outils de lutte. Mais le monde change très vite, l’État aussi. Que la science dise de plus en plus qu’on va vers un effondrement en 2050 va encore amener des changements de positionnements radicaux, de tous les côtés.

Nous devons donc requestionner notre stratégie, nos modes d’action, nos objectifs. Hier, en se couchant devant le siège de Total alors qu’il était fermé, notre action était symbolique. Demain, elle pourra être politique, en empêchant un supertanker de rentrer dans un port afin d’augmenter le coût des opérations d’un groupe pétrolier. Pour toucher les 100 multinationales responsables de 80 % des émissions de CO2 dans l’atmosphère, il faut assécher leurs recettes.

La radicalité pourrait-elle aller jusqu’à la violence ?

Pour certains, décrocher le portrait du président dans les mairies pour dénoncer son inaction climatique, c’est violent ! Tout est question de stratégie. La non-violence en est une hyper pertinente. Chacun peut rejoindre le mouvement quel que soit son niveau d’engagement. Il y a besoin de gens pour des blocages face aux forces de l’ordre et d’autres pour faire les sandwichs. Mais plus il y aura de contestation, plus il y aura de répression. J’ai fait de la garde à vue pour avoir décroché un portrait. C’est de l’intimidation. Mais je crains de faire de la prison un jour si le gouvernement continue dans cette direction. Quiconque s’intéresse à la question climatique doit se demander s’il est prêt à prendre des risques juridiques pour essayer d’avoir une chance de vivre au-delà de 2050.

« Penser que la technologie va nous sauver, c’est absurde. »

Il est encore temps d’agir ?

On se bat pour que le réchauffement reste en dessous de 2 °C, pour éviter l’emballement climatique, le permafrost qui dégèle, l’augmentation considérable du CO2 dans l’atmosphère… J’aime quand Greta Thunberg*** dit : « J’ai envie que vous paniquiez ». C’est effectivement l’état quand lequel on devrait être dans un premier temps dans le sens où on devrait tout arrêter pour ne parler que de ça. Mais la panique n'est pas constructive, on doit surtout s'organiser, se battre ! Il y a encore beaucoup de choses à sauver. Ce n’est pas la technologie ni la science qui le feront. On a besoin de tout le monde. Ce n’est vraiment pas le moment de baisser les bras !

* Mode de consommation frugale s’appuyant sur des technologies simples, peu coûteuses, comme le recyclage, le prêt, le localement disponible, etc.

** Ressource dont l’usage et la préservation concernent l’ensemble des personnes y ayant accès (eau, air, savoir, etc.).

*** Jeune militante suédoise, la première à faire la « grève de l’école » pour attirer l’attention des politiques.

Si vous étiez…

  • Une qualité ?
    Ma qualité, c'est d'être passionné, de vivre profondément ce qui me fait vibrer. Et le défaut qui va avec, c'est d'avoir du mal à poser des limites pour prendre soin de moi et des autres.
  • Un film ?
    Forrest Gump. Vivre plusieurs vies, s'émerveiller de tout…
  • Un personnage célèbre ?
    Mes amis me comparent parfois à Naruto, un personnage de manga, ou Kick Ass, un héros de Comics : pas de pouvoir réels sauf celui de croire qu'il faut agir.
  • Un paysage ?
    Le Vercors. Terre de résistance !
  • Un animal ?
    Mes abonnés ont choisi pour moi mon Totem : je suis un épaulard (une orque), je n'hésite pas à foncer dans la mêlée pour défendre ce en quoi je crois.

Partager c'est sympa - Vincent Verzat
Bio express
  • Installé en Rhône-Alpes, Vincent Verzat fait des études en relations internationales et résolution de conflits avec le projet de travailler dans la construction de la paix. Mais en 2012, présent à la conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20, il réalise « que les États n’allaient pas prendre les mesures que l’on attendait d’eux ».
  • Dès lors, sa caméra – passionné de vidéo, il s’est formé très jeune sur le tas – devient son outil. Il fait des vidéos d’actions de désobéissance et de sensibilisation pour et avec de nombreuses associations françaises et étrangères sur la question climatique.
  • Parallèlement, il crée sa chaîne YouTube, Partager c’est sympa, qui compte aujourd’hui quatre salariés, pour encourager les internautes à agir.

Retrouvez l’interview de Vincent Verzat dans le n°107 de CULTURE(S)BIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou consultez sa version digitale ici

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